Vieques : Colonialisme, Résistance et la Lutte pour la Libération

Ce billet explore l'occupation de Vieques par la Marine américaine, la résistance qui les a forcés à partir, et la lutte continue pour la récupération des terres—faisant le lien avec les luttes palestiniennes et autochtones à travers le monde.

FRANK'S BRAIN

Franklin López

3/13/20253 min temps de lecture

Quand j’étais enfant, Vieques était pour moi une sorte de paradis. Des baies bioluminescentes, des couchers de soleil irréels, des plages qui s’étendaient à l’infini. Ma famille s’y rendait le week-end pour échapper au chaos de l’île principale. Parfois, nous nous joignions aux pêcheurs locaux pour lancer des lignes à la mer. Mais le calme était toujours rompu, non pas par le bruit des vagues, mais par le rugissement assourdissant des avions de chasse de la marine américaine qui fendaient le ciel.

L’un de mes premiers souvenirs de Vieques, c’est de m’être tenu là, avec les pêcheurs, à regarder ces avions à réaction exploser au-dessus de nos têtes. Ils levaient leur majeur en direction des pilotes. J’ai demandé pourquoi à mon père. « Ils font peur aux poissons », m’a-t-il répondu. « Mais c’est plus que cela. C’est ce que la marine représente. Ils ont pris leur terre. »

En 1941, la marine américaine s’est emparée de 77 % de Vieques, repoussant les familles qui y résidaient sur une étroite bande de terre au centre de l’île. Le côté est de l’île est devenu un champ de bombardement. Le côté ouest, une réserve d’armes. Pendant des décennies, les navires de guerre ont tiré à balles réelles sur les plages de Vieques, tandis que les exercices de débarquement amphibie en faisaient un terrain de jeu pour l’impérialisme américain. Des générations de Viequenses ont grandi au son des explosions au loin, respirant des fumées toxiques, voyant les taux de cancer monter en flèche.

Le gouvernement américain a même proposé une « solution » — un plan visant à déplacer toute la population de Vieques à Sainte-Croix. C’est ainsi qu’une communauté insulaire entière a failli disparaître pour faire place à la guerre. Les habitants ont refusé. Ils sont restés. Ils se sont battus.

Blocages, manifestations de masse, occupations — la résistance dans sa forme la plus pure. Et en 2003, après une désobéissance civile acharnée, ils ont gagné. La marine a plié bagage et est partie — une rare victoire contre l’empire américain.

Mais le colonialisme ne s’arrête pas simplement parce que l’armée se retire. La terre est toujours clôturée, toujours contaminée par des bombes non explosées, toujours remplie de déchets toxiques. Les habitants de Vieques n’ont toujours pas le contrôle de leur propre île.

En 2013, j’y suis retourné pour réaliser un court métrage pour subMedia, marquant les 10 ans de leur victoire. Je voulais montrer que la décolonisation est possible. Que la résistance fonctionne. Mais aussi que le combat n’est jamais vraiment fini. La terre n’est toujours pas propre. Les gens ne sont toujours pas libres. La véritable décolonisation ne consiste pas à expulser les militaires, mais à reprendre la terre.

Vieques n’est pas seulement une histoire portoricaine. C’est une histoire palestinienne, une histoire kanien'kehá:ka, une histoire mondiale de terres volées au profit du militarisme colonial. En ce moment même, à Gaza, Israël parle ouvertement d’éliminer toute la population et de la remplacer par des colons. Comme à Vieques. Tout comme la façon dont les Kanien'kehá:ka ont vu leurs terres volées, militarisées et occupées sous prétexte de « sécurité ».

Ces histoires ne sont pas séparées — elles font partie du même projet colonial. Et c’est exactement la raison pour laquelle nous réalisons A Red Road to the West Bank. Nous traversons les frontières, relions les luttes, pour montrer comment les États coloniaux utilisent les mêmes tactiques — la militarisation, le déplacement et la répression — pour expulser les peuples autochtones de leurs terres. Mais comme à Vieques, comme à Gaza, les gens ripostent.

Ce film a pour but de relier ces luttes — non seulement pour les comprendre, mais aussi pour construire une solidarité entre elles. Parce que si la résistance peut gagner à Vieques, elle peut gagner partout.

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